L’analyse scientifique récente de millions d’issues climatiques possibles n’a décelé qu’une étroite fenêtre de possibilités pour lesquelles le réchauffement climatique serait maintenu en deçà des niveaux fixés comme acceptables par la communauté internationale.
Sur un total de 5,2 millions de scénarios climatiques possibles, les émissions carbone doivent être réduites à zéro avant 2030 dans tous les pays de la planète si nous souhaitons atteindre l’objectif d’un réchauffement climatique inférieur à 2°C d’ici 2100. Un chiffre fixé par l’ONU dans le but d’éviter les conséquences les plus dramatiques du changement climatique, comme la montée des eaux ou les vagues de chaleur meurtrières.
En 2018, le Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (GIEC) publiait un rapport sur les conséquences d’un réchauffement global de 1,5°C dans lequel il laissait entrevoir la possibilité d’un réchauffement climatique inférieur à cette température. Cette fois et contrairement au rapport du GIEC, la nouvelle étude publiée le 11 mars dans la revue Nature Climate Change s’est imposée trois contraintes pratiques : des dépenses allouées à la réduction des émissions carbone inférieures à 3 % du PIB mondial annuel ; aucun recours à la géo-ingénierie ou aux technologies pour éliminer le carbone ; une hypothèse fixant la réponse du climat à un niveau médian ou supérieur en cas de doublement des émissions carbone dans l’atmosphère. La dernière contrainte fait référence à la sensibilité climatique qui correspond à la mesure du réchauffement lors de l’ajout de carbone dans l’atmosphère.
« Nous souhaitons montrer ici l’importante responsabilité que notre génération doit endosser afin d’assurer un avenir tolérable aux générations futures, » peut-on lire dans la conclusion du rapport.
À titre de comparaison, si les pays concernés par l’Accord de Paris sur le climat respectent leurs engagements, les émissions continueront d’augmenter pour atteindre un point culminant en 2030 et entraîneront le monde vers un réchauffement planétaire compris entre 3°C et 3,5°C.
UNE CONSOMMATION DE PÉTROLE À LA HAUSSE
Les émissions mondiales dépassent aujourd’hui les 40 milliards de tonnes par an. Dans le même temps, l’Agence internationale de l’énergie a annoncé le 11 mars une augmentation de la consommation pétrolière pour les cinq prochaines années, en raison d’une demande accrue en kérosène et en produits pétrochimiques.
La réduction à zéro des émissions d’ici 2030 visant à limiter le réchauffement à 2°C sera extrêmement difficile, annonce le principal auteur de l’étude, Jonathan Lamontagne, de l’université Tufts. Quant à l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C, il est irréalisable compte tenu des contraintes imposées pour ce rapport, ajoute-t-il.
Selon Glen Peters, directeur du Center for International Climate Research situé en Norvège, ce résultat fait écho au rapport du GIEC qui concluait que l’unique façon d’atteindre l’objectif de 1,5°C était d’employer à grande échelle des méthodes d’élimination du dioxyde de carbone. Ces méthodes regroupent des procédés chimiques comme la capture du CO2 directement dans l’atmosphère ou la production de bioénergie grâce à la capture puis la séquestration du carbone et des procédés climatiques naturels tels que l’aforestation.
Lamontagne et ses collègues mettent en garde : se fier « au déploiement massif de nouvelles technologies non éprouvées [d’élimination du dioxyde de carbone] pourrait bien être un pari irresponsable et inapproprié lorsque les conséquences d’une déroute sont potentiellement catastrophiques. »
L’élimination à grande échelle du dioxyde de carbone, communément appelée « émission négative », pourrait bien être irréalisable. Toutefois, interroge Peters, la réduction des émissions de carbone à zéro d’ici 2030 est-elle davantage réalisable ? « Nous devons explorer toutes les possibilités. Ensuite, la société pourra choisir la voie qu’elle trouvera la plus attrayante, » poursuit-il.
UNE SOLUTION SOLAIRE ?
Une nouvelle voie vient peut-être de s’ouvrir : la géo-ingénierie solaire. Il s’agit d’avions qui diffusent à haute altitude du dioxyde de souffre dans l’atmosphère, un aérosol dont le comportement est similaire à celui des gaz volcaniques dans la mesure où il réfléchit la chaleur du soleil. Selon une autre étude parue dans la même édition de Nature Climate Change, cette solution peut être réalisée sans danger.
Alors que l’idée de diffuser des particules dans l’atmosphère dans le but de renvoyer une partie des rayons du soleil et de réduire le réchauffement climatique n’est pas nouvelle, cette étude est bien la première qui s’intéresse aux conséquences potentielles pour les pluies, les températures et les tempêtes. La conclusion du rapport est la suivante : la géo-ingénierie solaire est susceptible de diviser par deux l’augmentation globale des températures sans aggraver le changement climatique.
Toutefois, la géo-ingénierie solaire est encore sujette à de nombreuses incertitudes et de plus amples recherches sont nécessaires pour comprendre ses risques, ses coûts et ses limites avant de procéder à son déploiement, reconnaît le coauteur de l’étude, David Keith, de l’université Harvard.
« Je suis très préoccupé par les conséquences imprévues de cette solution, » confie Michael Mann, climatologue et directeur du Earth System Science Center de l’université d’État de Pennsylvanie. Les expériences hautement théorisées sur la géo-ingénierie solaire pourraient finalement ne pas refléter avec précision les conséquences pour le monde réel, explique-t-il par e-mail.
Source : Climat : notre marge de manœuvre se réduit dangereusement | National Geographic